
AVANT-PROPOS
L’initié à l’escroquerie est « un farceur ironique qui se joue de la distraction, de l’impertinence, de la naïveté ou de la nervosité de ses contemporains. »
La ruse au coeur des éléments constitutifs convoque l’aversion ou l’admiration du grand public pour ses renards et, à l’évidence, le délit d’escroquerie fascine.
Il éveille aussi l’intérêt intellectuel de l’avocat mandaté pour la défense pénale de ses auteurs ou de leurs victimes, tant l’escroquerie tend à se renouveler dans sa forme et dans l’ingéniosité qu’elle peut mobiliser.
Aussi, je me tiens à la disposition de toute personne inquiétée dans les termes de poursuites du chef d’escroquerie, mais encore et sans distinction à celle des victimes.
L’article 313-1 du code pénal est le siège du délit d’escroquerie constitué en ces termes :
« L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.
L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.«
Synthétiquement, l’escroquerie peut être définie comme une fiction orchestrée par tous moyens à usage de son auteur et sans laquelle la victime, personne physique ou morale (association, société, établissement public voire État), n’aurait pas consenti à fournir l’avantage recherché par l’escroc.
Dans la théorie du droit pénal, l’escroquerie est une infraction complexe, soit celle caractérisée par plusieurs éléments matériels.
Rapporté à l’escroquerie, les éléments matériels seront caractérisés par :
- L’emploi d’un moyen de tromperie;
- La remise de fonds, de valeurs ou de biens.
À défaut de remise de l’avantage recherché par l’escroc, la qualification de tentative d’escroquerie, punie dans les mêmes termes que l’escroquerie effective, reste envisageable pour autant qu’elle ait été marquée d’un commencement d’exécution.
Le commencement d’exécution se définit comme l’acte qui tend directement et immédiatement à la consommation du délit (Cass. crim., 15 mai 1979, n°79-93.914).
La tentative d’escroquerie est donc manifestée par un commencement d’exécution, suspendue ou n’ayant manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes à la volonté de son auteur (Cass. crim., 16 mai 2018, n°17-81.686), celui-ci étant distinct de simples actes préparatoires.
Aussi, « la destruction d’un véhicule et la plainte pour vol ne constituent que des actes préparatoires qui ne sauraient, en l’absence de déclaration de sinistre, constituer un commencement d’exécution justifiant une condamnation pour tentative d’escroquerie » à l’assurance en l’espèce (Cass. crim., 17 décembre 2008, n°08-82.085).
Il convient enfin de préciser que la Cour de cassation juge depuis le XIXème siècle « qu’un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse, au sens de l’article précité, s’il ne s’y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d’un tiers destinés à donner force et crédit à l’allégation mensongère du prévenu » (Cass. crim. 1er juin 2005, n°04-87.757).
Pour que le délit d’escroquerie soit pleinement constitué, il faut encore que l’intention de l’auteur de tromper la victime en vue de la remise poursuivie ait été caractérisée.
Point avocat : S’il est difficile de soutenir la remise hasardeuse d’une chose ou de fonds, il en est tout autrement s’agissant de l’intention, en particulier dans un contexte de bande organisée qui constitue une circonstance aggravante n’excluant pas des poursuites du chef du délit autonome d’association de malfaiteurs.
Le débat va donc essentiellement se nouer autour de l’élément intentionnel que les éléments au dossier sont susceptibles de confirmer ou d’infirmer, en particulier dans un dossier d’instruction de plusieurs milliers de pages en cause d’une escroquerie sophistiquée.
Aussi, ne renoncez pas à la présence de votre avocat qui est essentielle.
Par sa structure, le délit d’escroquerie se distingue sensiblement d’autres infractions.
DISTINCTION STRUCTURELLE DE L’ESCROQUERIE AVEC LES DÉLITS CONNEXES
L’escroquerie et l’extorsion
L’article 312-1 du code pénal définit l’extorsion comme :
« le fait d’obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque.
L’extorsion est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.«
L’essence de l’escroquerie réside dans « l’astuce » dont fait preuve son auteur pour déterminer le consentement de la victime à fournir les fonds, valeurs ou biens.
Au contraire, l’extorsion provoquera la remise par la violence, la menace ou la contrainte.
L’escroquerie et le chantage
L’article 312-10 du code pénal circonscrit le chantage au :
« fait d’obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque.
Le chantage est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
La peine d’emprisonnement est portée à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque le chantage est exercé par un service de communication au public en ligne :
1° Au moyen d’images ou de vidéos à caractère sexuel ;
2° En vue d’obtenir des images ou des vidéos à caractère sexuel.«
Là encore, l’emploi de menace exclut la qualification d’escroquerie au surplus de quoi et en présence d’un concours apparent de qualifications d’extorsion et de chantage, la première prendra le pas sur la seconde dès l’instant où la menace aura consommé la remise des fonds, des valeurs ou des biens poursuivie.
L’escroquerie et l’abus de confiance
Aux termes de l’article 314-1 du code pénal :
« L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.
L’abus de confiance est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.«
Le délit d’escroquerie est pleinement caractérisé dans son élément matériel dès la remise poursuivie de la chose.
Dans le cadre de l’abus de confiance, la remise est précaire et ce n’est qu’ultérieurement, lorsque la chose remise est détournée, que l’abus de confiance viendra se substituer à la qualification d’escroquerie.
Point avocat : L’intérêt de la distinction réside, entre autres, mais surtout dans la computation du délai de prescription qui, à l’exclusion du droit de la presse, est de 6 ans en matière de délictuelle et dont le point de départ va sensiblement différer en fonction de l’infraction poursuivie.
Le point de départ du délai de prescription de l’escroquerie « ne commence à courir qu’à partir de la dernière remise lorsque les manoeuvres frauduleuses constituent, non pas une série d’escroqueries distinctes, mais une opération délictueuse unique » tandis que le point de départ d’un abus de confiance est reporté à la date à laquelle la victime a eu connaissance des faits.
On parle dans le cas de l’abus de confiance d’une infraction occulte qui obéit ici à un délai de prescription dit « glissant ».
Il est donc extrêmement important de s’en remettre à l’oeil avisé de votre avocat qui, le cas échéant, pourra contester une qualification erronée, privilégiée parfois pour contourner une prescription acquise et déclencher des poursuites, et faire constater l’extinction de l’action de publique.
À CUMUL DE QUALIFICATIONS ? QUELLE(S) DÉCLARATION(S) DE CULPABILITÉ ?
Il reste la situation où un fait matériel unique puisse être poursuivi sous la qualification de plusieurs infractions, soit successivement, soit concomitamment.
Par exemple, l’infraction de recel suppose que la chose dissimulée, détenue, transmise directement ou par un intermédiaire ou le bénéfice de cette chose provienne, en connaissance de cause, d’un crime ou d’un délit.
Or, dans l’hypothèse d’un recel, ce dernier est la conséquence indissociable d’une autre infraction comme le vol, l’extorsion, l’abus de confiance ou l’escroquerie.
Cette situation peut donc poser difficulté au regard du principe fondamental qui interdit qu’une personne puisse être poursuivie ou condamnée pénalement à raison de faits pour lesquelles celle-ci a déjà été poursuivie ou condamnée.
Au rang conventionnel, ce principe « non bis in idem« est garanti par l’article 4 du protocole 7 de la convention européenne des droits de l’Homme et par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
À notre échelle, il s’exprime les articles 6 et 368 du code de procédure pénale.
Traditionnellement, la Cour de cassation en tire la conséquence que l’auteur d’un recel, soit ici de l’infraction secondaire, ne peut être condamné pour l’infraction primaire (Cass. crim., 13 avril 2022, n°19-84.831 : Un abus de bien de sociaux en l’espèce).
L’escroquerie et l’usage de faux
L’article 441-1 du code pénal réprime le faux et l’usage des faux comme suit :
« Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques.«
« Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.«
Aussi, le concours de qualifications d’escroquerie et d’usage de faux est susceptible de survenir dans ce nombreuses situations.
Par exemple et comme je le rencontre dans un dossier d’escroquerie entre les mains de la JIRS-JUNALCO, l’usage d’une fausse carte identité à laquelle serait attaché un vrai profil et CV déterminant du consentement d’entreprises à livrer des biens contre la promesse d’un paiement qui n’interviendra jamais.
Il y a bien usage d’un faux constitué par la présentation de la carte d’identité et l’escroquerie consommée par la remise des biens.
Or, dans cette situation, la jurisprudence a récemment admis un cumul des deux infractions au motif que « l’infraction de faux consistant en une altération de la vérité dans un support d’expression de la pensée se distingue de son utilisation constitutive du délit d’usage de faux et, le cas échéant, d’un élément des manœuvres frauduleuses de l’infraction d’escroquerie » (Cass. crim. 9 sept. 2020 n°19-84.301).
Récemment, dans un arrêt de principe, les juges du Quai de l’Horloge ont entendu restreindre les hypothèses où le principe non bis in idem faisait obstacle à des poursuites ou condamnation consécutives ou successives, en particulier en matière d’escroquerie (Cass. crim., 15 décembre 2021, n°21-81-864).
Aussi, la Cour de cassation ne restreint désormais le principe non bis in idem qu’à trois situations :
- Lorsque les deux qualifications sont incompatibles l’une avec l’autre en raison de leurs éléments constitutifs ;
- Lorsque l’une des qualifications est « absorbée » ou incluse dans l’autre : elle en est un élément constitutif ou une circonstance aggravante ;
- Lorsque l’une des infractions est spéciale tandis que l’autre est générale.
La conséquence pratique qu’on peut en tirer, c’est que plus les faits concourant à l’escroquerie sont nombreux et plus le risque que chacun reçoive des qualifications, poursuites et condamnations distinctes est élevé.
Point avocat : Si le principe non bis in idem, tel que récemment appliqué par la jurisprudence, a été réduit à peau de chagrin dans le contexte d’un concours de qualifications, il ne saurait exclure le débat qui tendrait à faire disqualifier des poursuites ou une condamnation pour escroquerie à raison d’un fait qui caractériserait une autre infraction.
Ne renoncez donc pas à être défendu par un avocat, un bon escroc est rusé, un bon avocat l’est plus encore !
TYPOLOGIE DES ESCROQUERIES
L’escroquerie est une infraction protéiforme. Il en n’existe autant de types que d’escrocs susceptibles de les imaginer.
Il n’y a donc aucune exhaustivité à déduire de cette liste qui en dressera néanmoins les plus courantes :
La fraude carrousel à la TVA
D’un point de vue fiscal, la fraude carrousel est une une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée susceptible d’être poursuivie sous la qualification d’escroquerie.
Elle s’est multipliée depuis la création du Marché unique européen, notamment dans les secteurs du commerce des composants électroniques, de la téléphonie mobile et du textile. Cette fraude est organisée entre plusieurs entreprises pour obtenir le remboursement, par un État de l’Union, d’une taxe
qui n’a jamais été acquittée en amont, ou réduire le montant de la TVA à payer.
C’est ce schéma pourtant simple, mais astucieux qu’ont emprunté de nombreux escrocs dans la célèbre affaire de la taxe carbone.
L’escroquerie de la cavalerie
L’escroquerie de la cavalerie repose sur une course aux financements par un effet boule de neige.
Sous cette configuration, chaque emprunt va donner une apparence de solvabilité de l’escroc, généralement retranché derrière une société écran, auprès du prêteur de fonds plus conséquents et ainsi de suite.
La pyramide de Ponzi
Variante de la cavalerie, la pyramide de Ponzi du nom de l’escroc à l’origine du montage, consiste à proposer un investissement à un taux suffisamment attractif pour capter d’autres investisseurs à mesure que la réputation du fond s’accroit.
La croissance du nombre d’investisseurs permettra de rémunérer les premiers investisseurs et de rembourser les quelques clients qui souhaitent retirer leurs fonds, aussi longtemps que ceux-ci ne sont pas trop nombreux.
Lorsque les nouveaux arrivants deviennent plus rares, le fond commence à perdre de l’argent.
L’escroc peut alors s’enfuir avec l’argent restant et les investisseurs qui n’ont pas retiré leur argent perdent leur mise.
C’est sous ce schéma que Bernard Madoff a pu organiser une escroquerie à grande échelle estimée à 65 milliards de dollars et qui a fonctionné pendant 48 ans, de 1960 jusqu’à la crise bancaire et financière de l’automne 2008.
L’escroquerie aux sentiments
L’arnacoeur dans toute sa splendeur.
L’escroquerie aux sentiments est un procédé insidieux qui consiste à faire miroiter une romance à seul effet de soutirer des avantages, essentiellement des fonds, à une victime.
L’exemple le plus notoire de cette escroquerie a récemment surgi par le cas de Anne, une femme mariée séduite par un faux Brad Pitt qui a pu la déterminer à consentir à la remise de près de 830.000 € grâce à un scénario de grande envergure orchestré par un « brouteur », renforcé par l’aide remarquable d’intelligences artificielles.
L’escroquerie à la charité
Comme son nom l’indique, elle consiste à s’enrichir personnellement en se réclamant d’une association caritative pour faire appel à la générosité des victimes.
L’archétype populaire se trouve aux lieux fréquentés de la capitale parisienne où certaines personnes abordent grossièrement des passants, munie d’une fausse documentation, mais l’escroquerie à la charité peut prendre une forme plus sophistiquée notamment par des appels à la collecte organisées sur internet.
Cette escroquerie est génératrice d’un préjudice pour les véritables associations.
L’escroquerie au jugement
L’escroquerie au jugement est la situation dans laquelle « un individu parvient, en trompant un tribunal par la production d’une pièce fausse, à obtenir une décision qui portera atteinte au patrimoine d’autrui ». (« La preuve dans la jurisprudence de la Cour de cassation« , Rapport annuel 2012, p. 302).
La tentative d’escroquerie au jugement est constituée par « le fait pour une partie de présenter sciemment en justice un document mensonger destiné à tromper la religion du juge et susceptible, si la machination n’est pas déjouée, de faire rendre une décision de nature à préjudicier aux intérêts de l’adversaire » (Cass. crim. 1 avril 2020, n°19-83.631).
L’hameçonnage ou « phishing »
Le phishing est une duperie courante à l’ère d’internet qui consiste à se faire passer pour un organisme familier et de confiance (banque, service des impôts, CAF, etc.) par utilisation du logo et du nom de cet organisme en prétextant un incident technique ou la nécessité de mettre à jour vos informations en raison de données compromises.
Il s’agit d’une escroquerie basée sur la réaction émotionnelle de la victime et en particulier la peur et le sentiment d’urgence pour l’inciter à renseigner ses coordonnées bancaires, généralement après avoir cliqué sur le lien fourni dans un SMS ou un mail.
Très récemment, une vague de phishing au colis ont été recensés.
Les escrocs derrière cette arnaque envoient un message à la victime plus ou moins rédigé comme suit :

S’il semble évident que des organismes sociaux ou des banques n’enverront jamais de message depuis un numéro préfixé par un 06 ou un 07, il peut arriver que de véritables livreurs en envoient ou joignent le destinataire directement depuis leur propre téléphone, ce dont tire profit cette nouvelle arnaque au colis.
Le « spoofing »
Le spoofing est une des modalités d’application du phishing qui consiste à usurper une identité par l’usage d’une adresse mail d’apparence fiable ou par téléphone.
L’usurpation d’identité par téléphone a révélé un certain talent auprès de quelques personnes, notamment Gilbert Chikli, devenu maître de la persuasion dans l’arnaque dite du président.
Point avocat : Il est important de sélectionner son avocat avec soin et de le faire appeler dès la garde à vue pour que celui-ci anticipe et commence dès cet instant à participer à l’orientation de a procédure.
En ce sens, nous vous renvoyons à une publication du cabinet compilant des conseils en cas de placement en garde à vue, particulièrement appréciée dans notre monde judiciaire.
Maître Richard Peil-Hamadouche reste à votre disposition pour intervenir en urgence lors d’une garde à vue ou d’un défèrement ou pour toute instruction ou audience intéressant le droit pénal correctionnel et criminel.