La garde à vue est une mesure de contrainte et privative de liberté décidée par un OPJ, sous le contrôle du parquet, lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a tenté de commettre ou commis une infraction punie d’une peine d’emprisonnement.
Elle s’exprime par le placement en cellule de la ou du mis en cause, dans l’attente de son audition et des suites que le parquet y donnera.
Si vous vous attendez au confort d’un hôtel, je vous invite à aller jeter un oeil au nombre d’étoiles des commissariats renseigné par Google et peux vous assurer que vous ne verrez aucune constellation, mais vous constaterez néanmoins.
Les porteurs de lunettes placés en garde à vue, eux, n’y verront rien, non pas qu’ils feintent le déni en fermant les yeux, les mains sur les oreilles, comme le feraient les « singes de la sagesse » puisque sages, dans la plupart des cas, ils ne l’ont pas été.
Non plus qu’ils y ont trouvé le sommeil éternel ou y ont été éborgnés (encore que le LBD…), mais parce que les lunettes de vue sont considérées comme un objet dangereux.
L’article 63-6 du code de procédure pénale autorise en effet les OPJ à confisquer les objets considérés comme par eux dangereux pour le mis en cause ou pour autrui :
« Les mesures de sécurité ayant pour objet de s’assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui sont définies par arrêté de l’autorité ministérielle compétente. Elles ne peuvent consister en une fouille intégrale.
Si la confiscation des lacets, ceintures, cravates et foulards des personnes placées en garde à vue tombe sous le sens, elle pose des problématiques de respect cohérent de leur dignité lorsqu’elle vise, quasi-systématiquement, leurs lunettes de vue et, oui… leurs soutiens-gorge.
Tous ces objets sont susceptibles d’être qualifiés « d’armes par destination » lorsque leur usage a été détourné à dessein de porter atteinte à l’intégrité physique de leurs porteurs ou à celle d’autrui.
En conséquence, les autorités estiment que les verres de lunettes peuvent servir d’armes tranchantes, les élastiques de soutiens-gorge, constituer un moyen de strangulation et, leurs armatures, de blesser.
Bien entendu, la garde à vue est une mesure traumatisante pour certains profils, mais il convient de relativiser car encore faut-il que la ou le gardé à vue présente des signes d’anxiété et / ou de dangerosité.
Toutefois et de même que ce que je relève s’agissant du port de menottes, rares sont les profils qui justifient que leur soit confisqué leurs lunettes ou leurs soutiens-gorge.
Force est donc de constater que les OPJ font l’économie de cette analyse de profil, c’est un premier point.
Au demeurant, l’alinéa 2 de l’article précité précise que :
« La personne gardée à vue dispose, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité. »
Or, si j’observe que les porteurs de lunettes en disposent régulièrement pendant l’audition, ne serait-ce que pour relire le procès-verbal, tel n’est pas toujours le cas des soutiens-gorge, ce que j’ai eu à contester récemment par souci que la femme que j’assistais ne soit pas auditionnée dans l’inconfort, dans des conditions attentatoires à sa dignité, à sa féminité et à sa pudeur.
Le rapport de synthèse du contrôleur général des lieux de privation de liberté sur les locaux de garde à vue de 20018 pointe du doigt la pratique en constatant que « le retrait systématique des soutien-gorge et lunettes en cellule ou la non-remise de l’imprimé de droit restent encore trop répandus, malgré parfois il faut le souligner des instructions écrites. » (Rapport de synthèse du CGLP sur les locaux de garde à vue de décembre à janvier 2018, p. 2)
Malgré ce constat, le droit n’a connu aucune évolution sur la question et il incombe donc à l’avocat d’être vigilant, de contester la confiscation et, si elle persiste, de le faire consigner dans ses observations.
Aussitôt le placement en garde à vue notifié, demandez donc sans tarder à vous faire assister par un avocat.