La distinction entre détention, usage et emploi de produits stupéfiants

Les notions de détention, d'usage et d'emploi illicites de produits stupéfiants sont des notions trompeuses. Il est fondamentale que votre avocat sache les distinguer et, au besoin, disqualifier les actes mis en cause d'infractions à la législation sur les stupéfiants. Maître Peil-Hamadouche intervient régulièrement dans le cadre de gardes à vue, de défèrement, d'instructions correctionnelles et criminelles liées au trafic de stupéfiants.

Avant-propos

Les infractions à la législation sur les stupéfiants sont protéiformes et de natures différentes.

Elles font l’objet d’une attention particulière du législateur et d’une répression sévère, tant et si bien qui leur est consacré une section entière dans le code pénal, mais chaque notion visé par ce dernier recouvre un acte matériel bien précis.

Mon intervention régulière dans le cadre de gardes à vue, de défèrements, d’instructions correctionnelles et criminelles, en faveur d’auteurs d’infractions à la législation sur les stupéfiants m’a permis de développer une expertise avancée en cette matière augmentée de techniques de pénaliste qui me sont propres. En effet, la procédure pénale déroulée dans les termes d’une infraction à la législation sur les stupéfiants comporte des subtilités et mobilise des moyens plus coercitifs de la part des autorités. N’hésitez pas à me contacter.

Il convient alors de distinguer les notions de détention, d’emploi et d’usage illicites de stupéfiants.

L’article L222-37 du code pénal est le siège des infractions de détention et d’emploi illicites de produits stupéfiants, lesquelles sont réprimées en ces termes :

« Le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants sont punis de dix ans d’emprisonnement et de 7 500 000 euros d’amende.

Est puni des mêmes peines le fait de faciliter, par quelque moyen que ce soit, l’usage illicite de stupéfiants, de se faire délivrer des stupéfiants au moyen d’ordonnances fictives ou de complaisance, ou de délivrer des stupéfiants sur la présentation de telles ordonnances en connaissant leur caractère fictif ou complaisant.

Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article. »

L’article L222-40 du même code précise (inutilement) que « La tentative des délits prévus par les articles 222-36 (premier alinéa) à 222-39 est punie des mêmes peines. »

La poursuite d’infractions liées aux stupéfiants mobilise également l’article 706-158 du code de procédure pénale qui permet au parquet de faire pratiquer une saisie pénale de tout bien supposé avoir servi à commettre l’infraction ou supposé destiné à la commettre, mais encore de toute somme d’argent ou bien qui aurait été retiré de l’infraction, dans l’attente d’une confiscation ordonnée par le tribunal au visa de l’article 131-21 du code pénal.

C’est classiquement le cas des téléphones et des voitures.

Le matériel destinés à les produire voire les chambres de culture de produits stupéfiants sont quant à eux détruits après constatations, de même que les produits stupéfiants après pesée et échantillonnage.

Concours d’infractions d’usage et de détention illicites de produits stupéfiants ?

La théorie pénale consacre une problématique de concours d’infractions, soit lorsque plusieurs qualifications sont envisageables pour un même fait ou lorsqu’une infraction est la conséquence inévitable d’une seconde.

La problématique est ici partiellement levée dans la mesure où le code incrimine en un même texte et pour un même quantum de peine la détention et l’usage illicites de stupéfiants.

Du reste et du point de vue strictement matériel, consommer suppose nécessairement de détenir.

Or et sous un angle désormais juridique, l’économie de cette distinction peut emporter des conséquences importantes notamment celle d’une relaxe lorsque la qualification retenue par le parquet ne reflète pas l’acte en cause.

L’usage de produits stupéfiants

L’article L3421-1 du code de la santé publique prévoit que l’usage illicite de produits stupéfiants et non leur détention, ni leur emploi, « est puni d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende. »

Surtout, son alinéa 3 prévoit que « y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte […] par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 €. »

La procédure de l’amende forfaitaire n’est applicable que lorsque la loi le prévoit. Tel est donc le cas d’une infraction à la législation sur les stupéfiants restreinte à leur usage, à une consommation personnelle.

En tout état de cause, elle n’est pas applicable si le délit a été commis par un mineur ou si plusieurs infractions, dont l’une au moins ne peut donner lieu à une amende forfaitaire, ont été constatées simultanément.

Il y a donc bel et bien des conséquences importantes à cet effort de distinction entre la détention et l’usage d’un produit stupéfiant.

La frontière de cette distinction a été tracée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, rejetant une QPC et dans le sillage de quoi précisait-elle que « les dispositions spéciales de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique, incriminant l’usage illicite de produits stupéfiants, excluent l’application de
l’article 222-37 du code pénal, incriminant la détention de tels produits, s’il est établi que les substances détenues étaient exclusivement destinées à la consommation personnelle du prévenu
« (Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 septembre 2014, n° 14-90.036).

En des termes moins complexes, il faut en retenir que l’infraction d’usage illicite de produits stupéfiants est autonome et constituée par la détention de produits destinés à une consommation personnelle et exclusive.

La détention de produits stupéfiants

À défaut d’exclusivité, les qualifications de détention et d’usage illicites de produits stupéfiants pourront concomitamment être poursuivies. Elles pourront encore l’être de façon distributive, c’est-à-dire, en fonction de la destination des produits stupéfiants en cause.

C’est précisément ce qu’illustre un autre arrêt de la chambre criminelle, dans le cadre d’un conflit de qualifications de détention et d’usage de produits stupéfiants, approuvant la cour d’appel d’avoir relevé « d’une part, qu’au cours de la perquisition effectuée à son domicile ont été découverts de l’herbe et de la résine de cannabis ainsi que de la kétamine, d’autre part, que les analyses toxico-urinaires du prévenu n’ont réagi positivement qu’au cannabis » ce « dont il résulte que le prévenu a commis des infractions distinctes d’acquisition et détention de kétamine, et » par ailleurs, « d’usage de cannabis » (Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 octobre 2015, n° 14-82.832).

La détention correspond donc au stockage de produits stupéfiants à destination éventuelle de transporteurs, grossistes et transformateurs, plus largement d’un trafic de stupéfiants (E. Dreyer, Droit pénal spécial, ellipses, 2008, n° 237), soit typiquement le cas de la nourrice.

En pareille qualification retenue par le parquet, ce dernier doit ainsi non seulement apporter la preuve d’une détention effective des stupéfiants, mais encore celle de l’intention de les détenir en faveur d’un réseau de trafiquants de stupéfiants.

Les juges du quai de l’horloge ont confirmé cette distinction ténue de manière plus explicite et plus ferme par un attendu de principe que « les dispositions spéciales du premier de ces textes, incriminant l’usage illicite de produits stupéfiants, excluent l’application du second, incriminant la détention de tels produits, si les substances détenues étaient exclusivement destinées à la consommation personnelle du prévenu.« 

En conséquence, la cour d’appel s’est vue reprocher d’avoir condamné le prévenu pour détention de produits stupéfiants, « sans caractériser des faits de détention indépendants de la consommation personnelle du prévenu. »

Conséquence de la cassation, celui-ci a été relaxé, faute pour le parquet de l’avoir également poursuivi pour usage illicite de produits stupéfiants (Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mars 2017, n° 16-81.805).

L’emploi de produits stupéfiants

L’emploi, enfin, vise toute utilisation de stupéfiants qui ne se prédestinerait pas à une consommation personnelle et, là encore, se distingue de l’usage.

Par conséquent, rouler un joint ou préparer un « parachute » pour un ami caractériserait l’emploi illicite de produits stupéfiants.

En synthèse, il ne peut être reproché à quiconque d’avoir usé, consommé des produits stupéfiants que si et seulement si ces derniers étaient destinés à sa consommation personnelle et exclusive.